Rainbow Blast
Centrale Solaire de l'Oncopole
category: Winner Projects
Rainbow Blast
I - Génèse de l’intervention artistique
Le site sur lequel la centrale solaire de l’Oncopole est implantée est chargé d’histoire, il semble difficile de faire abstraction des symboles qu’incarne ce lieu.
La tour la plus haute de l’usine, qui avait survécu à l’explosion, a finalement été mise à terre bien qu’elle fût un point de repère apprécié des pilotes d’avions en approche vers l’aéroport de Blagnac.
L’implantation de la centrale solaire et sa proposition artistique permettrait de rétablir un élément identifiable matérialisé au sol pour les pilotes en phase d’approche de l’aéroport de Toulouse-Blagnac et ainsi de renouer avec les traditions aériennes.
L’usine AZF de Toulouse est détruite le 21 septembre 2001 par l’explosion d’un stock de nitrate d'ammonium dans le hangar 221, creusant un cratère de forme ovale de 70 m de long et 40 m de largeur, et de 5 à 6 m de profondeur. La détonation a été entendue à plus de 80 km de Toulouse. Un séisme de magnitude 3,4 a été enregistré.
Cette catastrophe industrielle entraînera la mort de trente et une personnes, faisant deux mille cinq cents blessés et de lourds dégâts matériels.
Va s’en suivre un procès hors norme entre les parties civiles et le gestionnaire de l’usine chimique.
Tout l’enjeu de ce procès étant de déterminer les origines de l’explosion.
De nombreuses thèses plus ou moins extravagantes seront avancées, et une bataille d’experts scientifiques va se jouer sur l’explication des phénomènes acoustiques.
En effet, selon des témoignages, l'explosion a été accompagnée de deux bangs qui ont été enregistrés sur magnétophone et analysés. L'intervalle entre les deux détonations varie selon les enregistrements (jusqu'à quelques secondes), et le premier est légèrement moins fort.
Les experts de la filière Total, ont d'abord évoqué l'hypothèse d'une explosion unique en interprétant le second bang comme l'audition de l'onde sismique plus rapide que l'onde aérienne, voire d'un phénomène d'écho.
D'autres en ont déduit l'existence d'une première explosion distincte, de plus faible intensité, une dizaine de secondes avant la catastrophe proprement dite, corroborée par des témoignages sur place. L’analyse d’Alain Joets montre donc que le premier bang ne peut pas être dû à une onde sismo-acoustique et que le premier bang ne peut être acoustiquement relié à l’explosion AZF. Il possède une source distincte de celle de l’explosion AZF.
Pour chacune des parties, il semble important de justifier l’origine de ces deux bangs.
Une seule explosion correspondrait à un accident industriel, tandis que 2 explosions ouvriraient tout autres hypothèses.
II – Concepts et conception de l’œuvre
Les contraintes
Les restrictions du cahier des charges de l’intervention artistique : couleur unie des panneaux, localisation de chacun d’eux non modifiable, l’orientation et la disposition régulière des emplacements laissent peu de place aux possibilités d’intervention.
Ces contraintes, notamment les écarts entre chaque panneau sur un si grand espace, ne peuvent pas laisser entrevoir une solution graphique où un dessin serait visible.
L’étendu du projet, les angles de vues et les espacements des panneaux ne laissent entrevoir que la possibilité de créer des grandes masses colorées qui permettront les délimitations visuelles.
Il semblait évident d’essayer de tirer parti de ces limitations afin d’en faire la force de ce projet.
Les ondes de chocs.
Les morts, les blessés, les dégâts matériels et le traumatisme des Toulousains ont clairement été provoqués, non pas par l’explosion, mais par l’onde de choc de celle-ci. D’ailleurs, comme vu ci-dessus, le cœur du procès AZF, se situe bien sur l’étude scientifique de ce phénomène acoustique. Afin d’expliquer leurs théories aux néophytes que nous sommes, les experts doivent matérialiser la propagation du son de façon graphique pour une bonne présentation et compréhension de celle-ci.
Un phénomène auditif est alors transformé en phénomène visuel.
Afin de percevoir les formes et les vitesses de propagation, l’utilisation de dégradés de couleurs semble invariable. Les différents graphiques des experts du procès AZF, en démontrent l’exemple.
Il semble alors intéressant de s’inspirer de ces schémas techniques et de reproduire de façon visuelle l’onde de choc sonore.
Le passage du schéma a l’échelle 1 sur le site, permet un transfert de la théorie au concret, de l’abstrait au tangible.
Découpant l’espace par des courbes concentriques depuis la zone hypocentre de l’explosion (ex hangar 221), nous obtenons un dégradé de couleurs arrondies sur le terrain du parc photovoltaïque.
Par décision judiciaire, le cratère résultant de l’explosion est toujours visible de nos jours, mais il est inéluctable que dans un futur proche cette zone sera dépolluée et démantelée.
Cette intervention artistique permettra alors, de matérialiser de façon indirecte l’hypocentre de l’explosion, afin d’en garder la mémoire.
Ce dégradé de couleurs incurvées s’oppose à la contrecourbe naturelle du site d’implantation.
Contrecourbe qui laisse imaginer une deuxième onde de choc, telles certaines études, qui cherchent à démontrer cette thèse.
Une œuvre à double sens.
Comme nous l’avons vu précédemment, la disposition des couleurs de panneaux font référence à la forme de l’onde de choc de l’explosion d’AZF.
Cependant, le choix des couleurs n’est pas le fruit du hasard comme le laisse à penser le titre de l’œuvre «Rainbow Blast», ou le dégradé du violet au bleu sous-entend, l’aspect visuel d’un arc en ciel inversé.
Ce choix délibéré de l’arc en ciel c’est naturellement fait pour plusieurs raisons :
- Le soleil et source d’énergie et de lumière (couleurs).
Le rôle d’une centrale solaire est de récupérer l'énergie du rayonnement solaire pour la transformer en électricité. L’œuvre d’art reproduit un arc-en-ciel qui est un phénomène optique et météorologique qui rend visible le spectre continu de la lumière solaire.
- Dans la culture orientale, l'arc-en-ciel a toujours été considéré comme un chemin de médiation entre le haut et le bas.
Or ici, par le reflet du ciel dans les panneaux photovoltaïque, et l’arc en ciel produits par les panneaux colorés, ces éléments verticaux sont présentés dans leurs horizontalités.
- Dans la symbolique occidentale, l'arc-en-ciel est souvent associé à la joie et la gaieté ou au renouvellement.
Sa présence sur un site à forte connotation traumatique prend tout son sens.
Notons par la même occasion, le renouveau urbanistique du site sur lequel on produit de l’énergie renouvelable.
- L’arc en ciel est également utilisé comme drapeau de la paix, pourrait-il devenir le symbole de la fin du conflit juridique autour de cette histoire ? Par son implantation, l’arc en ciel de la centrale solaire se retrouve géographiquement au milieu, entre les deux points stratégiques qui opposent les deux parties… tout un symbole.
- D’autre part il incarne aussi le mouvement de protection de l'environnement, notamment par Greenpeace via l’histoire du Rainbow Warrior. Cette forte connotation prend son intérêt sur un site qui appartenait à une industrie pétrochimique Seveso, dont la partie sur laquelle l’arc en ciel se déploie est toujours polluée.
Du fait de sa situation géographique, cette intervention artistique retrace l’histoire du site dans lequel elle est implantée avec une véritable volonté de devoir de mémoire.
Le traitement plastique de celle-ci, introduit une autre notion en contradiction à son sens premier rendant cette intervention artistique polysémique.
Tous les éléments constructifs de cette œuvre s’entrechoquent en dualités (Courbe / contrecourbe -
Monochromie / polychromie - Verticalité / horizontalité - Site naturel / intervention humaine - Violence / paix - Pollution / écologie) laissant l’ambiguïté d’interprétation auprès du spectateur.
La volonté artistique de cette production est de développer la notion philosophique du « propre à soi », laissant libre court à l’interprétation individuelle tout en s’intégrant parfaitement dans le paysage urbain et historique du lieu.
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Date
2018, livraison 2020
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Localisation
Toulouse, France
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Commanditaire
Urbasolar, Toulouse Métropole